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Quand le rhume des foins devient de l'asthme
Changement d’étage: une évolution qu’il faut absolument éviter en cas d’allergie. Ce terme est utilisé lorsqu’un rhume des foins dégénère soudain en asthme. L’allergologue Esther Steveling explique dans l’interview comment se produit le changement d’étage et comment réduire le risque d’allergie.
Madame Steveling, le terme «changement d’étage» revient régulièrement dans les discussions sur les allergies. Qu’est-ce qui change d’étage? Et vers lequel?
Esther Steveling: On parle de changement d’étage lorsqu’un rhume des foins, donc une rhinite allergique, évolue également vers un asthme bronchique allergique. Autrement dit, lorsque l’allergie ne touche plus seulement les voies respiratoires supérieures, mais aussi les poumons.
Les troubles passent du nez aux poumons. Pourquoi?
Nos voies respiratoires, du nez aux poumons, sont étroitement liées. Elles fonctionnent comme une unité; leurs cellules sont semblables et les processus immunologiques, donc les mécanismes du système de défense, également. Il est dès lors évident que les symptômes allergiques peuvent se manifester dans le nez et dans les poumons. En raison de l’anatomie des poumons, les bronches peuvent de plus se resserrer en cas d’asthme allergique, ce qui déclenche finalement les troubles respiratoires typiques.
Pourquoi les troubles n’apparaissent-ils pas en même temps dans le nez et les poumons? Après tout, on respire par le nez vers les poumons…
Ce n’est pas encore entièrement élucidé et le changement d’étage peut effectivement se produire également en sens inverse. Des études montrent que l’asthme est souvent présent en premier chez le petit enfant et que le rhume des foins peut s’y ajouter lorsqu’il arrive à l’âge scolaire. Chez l’adulte, nous observons plutôt le changement d’étage de l’allergie pollinique à l’asthme allergique.
Quels sont les symptômes caractéristiques d’un changement d’étage?
Avec les yeux qui démangent et le nez qui coule ou qui est bouché, le rhume des foins est souvent facilement reconnaissable. C’est plus difficile pour les poumons: le symptôme principal de l’asthme est une sensation d’oppression thoracique, également la nuit et en cas d’activité physique. La performance peut être réduite. Une toux peut apparaitre, mais elle peut aussi indiquer une irritation des voies respiratoires. Chez les enfants, on observe souvent une respiration haletante. Un bilan médical est indispensable pour un diagnostic correct.
En quoi consiste-t-il?
Après l’anamnèse, le médecin mesure la fonction pulmonaire à l’aide d’un test. Un rétrécissement typique, réversible des voies respiratoires est reconnaissable en cas d’asthme allergique.
Est-ce que ce changement d’étage apparait uniquement avec l’allergie pollinique?
Non, c’est également le cas avec d’autres allergies. Le risque de changement d’étage est, par exemple, plus grand en cas d’allergie aux acariens de la poussière domestique qu’en cas de rhume des foins. Il peut également se produire en cas d’allergie aux moisissures.
Est-ce que le risque de changement d’étage est plus important lorsque l’allergie est grave?
On peut présumer qu’un effet bronchique peut se manifester plus facilement en cas de rhinite allergique sévère.
Qu’est-ce qui favorise un changement d’étage?
Une personne allergique aux acariens de la poussière domestique souffre souvent d’asthme ensuite. C’est également valable en cas d’infections virales et bactériennes fréquentes des voies respiratoires et de traitements fréquents par antibiotiques.
Le risque est-il également accru à cause de facteurs environnementaux?
Oui. Le tabagisme passif, les substances nocives et la pollution de l’air.
Peut-on prévenir cette dégradation d’une allergie en un asthme?
Certaines mesures réduisent fondamentalement le risque d’allergie. Par exemple, une naissance naturelle au cours de laquelle les bactéries du microbiote maternel sont transmises au bébé. Allaiter pendant trois mois au moins a également un effet protecteur, tout comme les microbes et les endotoxines d’un environnement rural. Des indices indiquent que les enfants d’agriculteurs souffrent moins d’allergies et d’asthme que les enfants des villes. Vivre avec un chien semble également réduire le risque d’allergies respiratoires. En ce qui concerne les allergies alimentaires, il faut si possible offrir au bébé de nombreux aliments différents à partir du quatrième mois, dans la mesure où ils sont tolérés, et non les éviter.
En ce qui concerne le changement d’étage: est-ce que je peux éviter l’asthme si je traite mon rhume des foins?
Traiter les symptômes des voies respiratoires supérieures a certainement un effet positif sur les voies inférieures. Actuellement, les données disponibles ne permettent pas de prouver sans équivoque qu’un asthme peut ainsi être évité avec certitude. Cela dépend d’une foule de facteurs très différents interagissant de manière complexe.
Quelles sont les personnes chez lesquelles l’allergie passe du nez aux bronches?
À ce sujet aussi, nous ne disposons malheureusement pas de données étayées. Mais il existe des indications selon lesquelles une personne sur cinq atteinte d’une allergie pollinique souffre également d’un asthme allergique. L’évolution de la dermatite atopique vers l’asthme est mieux analysée: le risque de développer un asthme allergique est plus de sept fois plus élevé chez les enfants atteints d’une dermatite atopique sévère de longue durée.
Quel est le traitement le plus efficace contre le rhume des foins?
Les antihistaminiques sont le traitement le plus fréquent utilisé en premier lieu. Un spray nasal à la cortisone est toutefois le traitement le plus efficace. Une immunothérapie allergénique est également efficace lorsque les traitements symptomatiques ne suffisent pas. Elle est encore toujours la seule thérapie permettant de réduire les troubles de manière durable. Les agents biologiques sont des médicaments novateurs et très efficaces qui ciblent les anticorps. Le médecin adapte individuellement le traitement à la personne.
Et que faire si l’asthme se déclare quand même?
L’asthme doit absolument être traité. Les bronches sont déjà enflammées lorsque les symptômes se manifestent et leur état peut se dégrader rapidement, par exemple lorsqu’une infection s’y ajoute. Les sprays contre l’asthme représentent le traitement principal. Ils contiennent des substances bronchodilatatrices ainsi que de la cortisone contre l’inflammation dans les bronches. Le mucus sécrété à la suite de l’inflammation obstrue les bronches, ce qui renforce les troubles respiratoires. L’important est de traiter tant le resserrement que l’inflammation des bronches. Une immunothérapie allergénique devrait être envisagée en présence d’un asthme allergique confirmé, afin de réduire les besoins en cortisone.
Sur la personne: Dr méd. Esther Steveling, allergologue et immunologue auprès de l’Hôpital universitaire de Bâle.
Interview de Bettina Jakob, parue dans aha!magazin 2023, auquel on peut s'abonner gratuitement.